La géothermie, une énergie renouvelable prometteuse, tire parti de la chaleur du sous-sol terrestre pour produire de l'énergie propre et durable. Des fondamentaux aux innovations technologiques, en passant par les avantages écologiques et économiques, cet article offre un panorama complet de cette technologie d'avenir, illustrée par des cas pratiques en France.
Fondamentaux de la géothermie
Différentes catégories de géothermie selon la profondeur
On distingue trois grands types de géothermie en fonction de la profondeur et des températures exploitées :
La géothermie peu profonde
Jusqu'à environ 200 mètres de profondeur et 30°C, elle est utilisée avec des pompes à chaleur pour le chauffage et le rafraîchissement de bâtiments individuels ou collectifs.
La géothermie profonde
De quelques centaines à 2000 mètres de profondeur, pour des températures de 30°C à 90°C. L'eau chaude des aquifères est pompée pour alimenter des réseaux de chaleur urbains.
La géothermie très profonde
Au-delà de 1500 mètres et pour des températures dépassant 150°C, voire 250°C dans certaines régions volcaniques. Cette chaleur est exploitée pour produire de l'électricité via des centrales géothermiques.
Modes d'exploitation des ressources géothermiques
Deux configurations géologiques principales permettent d'exploiter la géothermie :
- Les aquifères profonds : des réservoirs d'eau chaude naturels contenus dans des roches poreuses et perméables
- Les roches chaudes fracturées : la chaleur est extraite par circulation d'un fluide dans un réseau de fractures, naturelles ou provoquées par stimulation hydraulique
En pratique, un doublet géothermique est constitué d'un puits de production pour pomper l'eau chaude et d'un puits de réinjection pour la restituer au réservoir après prélèvement des calories. Ce dispositif en boucle fermée permet une exploitation durable de la ressource.
Bien que encore marginale en France, la géothermie connaît un fort développement pour répondre aux enjeux de la transition énergétique. Avec un potentiel considérable, notamment en région parisienne, elle offre une alternative propre et locale aux énergies fossiles pour le chauffage et la production d'électricité.
Retrouvez plusieurs vidéos en ligne à ce sujet, avec par exemple :
Énergie géothermique : une énergie renouvelable issue de la ...
Avantages écologiques et économiques de la géothermie
Une énergie propre et renouvelable
Contrairement aux énergies fossiles comme le pétrole, le charbon ou le gaz naturel, la géothermie n'implique aucune combustion et n'émet donc pas de gaz à effet de serre ni de polluants dans l'atmosphère. Elle permet ainsi de réduire significativement l'empreinte carbone de la production de chaleur et d'électricité. Selon l'ADEME, les émissions de CO2 de la géothermie très basse énergie sont de l'ordre de 16 gCO2/kWh, contre 227 gCO2/kWh pour le gaz et 325 gCO2/kWh pour le fioul.
De plus, la chaleur puisée dans le sous-sol se renouvelle en permanence grâce à deux phénomènes : la radioactivité naturelle des roches, qui produit en continu de la chaleur, et l'énergie solaire qui réchauffe la surface de la Terre. La géothermie est donc considérée comme une énergie renouvelable, au même titre que le solaire ou l'éolien.
Des coûts d'exploitation réduits sur le long terme
Si l'investissement initial pour une centrale géothermique est important, notamment à cause du coût élevé des forages, les frais de fonctionnement sont ensuite relativement faibles sur toute la durée de vie de l'installation.
Le coût du kWh produit par géothermie s'avère ainsi compétitif sur le long terme par rapport aux énergies fossiles. Il est aussi plus stable et prévisible, n'étant pas soumis aux fluctuations des cours des hydrocarbures.
A titre de comparaison, le coût complet de la géothermie profonde haute température est estimé entre 18 et 36€/MWh selon l'ADEME, contre 48 à 153€/MWh pour les cycles combinés gaz. Pour la géothermie très basse énergie avec pompe à chaleur, le coût est de l'ordre de 6 à 12 c€/kWh contre 7 à 10 c€/kWh pour le gaz.
Des aides financières incitatives
Pour encourager le développement de la filière, l'État et les collectivités proposent différents dispositifs de soutien financier aux projets géothermiques :
- Le Fonds Chaleur de l'ADEME, qui subventionne les installations collectives de production de chaleur renouvelable
- Une TVA réduite à 5,5% pour les réseaux de chaleur alimentés à plus de 50% par des énergies renouvelables
- Un crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) pour les particuliers installant une pompe à chaleur géothermique
- Des aides régionales spécifiques comme le Fonds Air-Bois en Île-de-France
Combinés à la baisse des coûts d'exploitation, ces soutiens financiers rendent les projets géothermiques de plus en plus attractifs économiquement.
Conclusion
Grâce à ses avantages écologiques et économiques, la géothermie a un rôle clé à jouer dans la transition énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique, en se substituant progressivement aux énergies fossiles. Le développement de cette filière constitue un levier incontournable pour atteindre les objectifs ambitieux de la France en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Cas pratiques en France
Bouillante en Guadeloupe, une exploitation pérenne de la géothermie volcanique
En Guadeloupe, le site de Bouillante exploite depuis plus de 20 ans la géothermie dite "volcanique". Située sur la commune du même nom, la centrale géothermique de Bouillante est actuellement le seul site de production d'électricité géothermique en France. Elle dispose d'une puissance installée de 16 MW.
L'installation tire profit du contexte géologique volcanique très favorable de la Basse-Terre en Guadeloupe. Le flux de chaleur y est particulièrement élevé, permettant d'atteindre une ressource géothermale dont la température est comprise entre 250 et 260°C. Cette vapeur à haute température permet d'actionner des turbines et de produire de l'électricité de façon constante.
Bouillante démontre ainsi depuis plus de deux décennies la viabilité technique et économique de l'exploitation de la géothermie volcanique pour produire une électricité renouvelable et non-intermittente dans les zones propices.
Soultz-sous-Forêts en Alsace, un projet pilote d'EGS
À Soultz-sous-Forêts en Alsace, c'est une autre technologie géothermique innovante qui est expérimentée depuis plusieurs années : l'Enhanced Geothermal System (EGS) ou "géothermie stimulée". Ce projet franco-allemand vise à exploiter la chaleur des roches chaudes et sèches situées à grande profondeur, jusqu'à 5000 mètres sous terre.
Le principe consiste à injecter de l'eau sous pression dans ces roches fracturées pour y récupérer la chaleur. L'eau remonte ensuite à plus de 200°C et peut être utilisée pour produire de l'électricité. La centrale de Soultz-sous-Forêts a une capacité de production de 1,5 MW. C'est une puissance modeste mais cette installation reste un projet de recherche et de démonstration.
Site | Technologie | Profondeur | Température | Puissance |
---|---|---|---|---|
Bouillante (Guadeloupe) | Géothermie volcanique | 1000 à 2500 m | 250 à 260°C | 16 MW |
Soultz-sous-Forêts (Alsace) | EGS | Jusqu'à 5000 m | > 200°C | 1,5 MW |
Si l'EGS n'en est encore qu'au stade de la R&D, ce projet ouvre des perspectives intéressantes pour exploiter le potentiel géothermal dans des régions a priori moins favorables que les zones volcaniques. À terme, cette technologie pourrait permettre de démultiplier les sites exploitables.
Bouillante et Soultz-sous-Forêts illustrent bien la diversité et le potentiel de la géothermie en France, que ce soit en matière de production d'électricité ou de chaleur renouvelable. D'autres projets prometteurs sont à l'étude pour les années à venir, laissant augurer un bel avenir pour cette filière sur notre territoire.
Défis et enjeux de la géothermie
Risque de sismicité induite
L'un des enjeux majeurs de la géothermie concerne le risque de sismicité induite lors des opérations de forage et de stimulation hydraulique des réservoirs. Injecter de l'eau sous pression dans les roches profondes peut en effet déclencher des micro-séismes, voire dans certains cas des tremblements de terre plus importants ressentis en surface.
Ces phénomènes ont conduit à l'interruption de certains projets, comme à Bâle en Suisse après des séismes de magnitude 3,4 en 2006. Depuis, les scientifiques cherchent à mieux comprendre les mécanismes à l'origine de cette sismicité induite afin de développer des techniques permettant de minimiser les risques, comme la stimulation chimique en complément de la fracturation hydraulique.
Effets sur l'environnement local
L'installation de centrales géothermiques, avec le forage de puits profonds, n'est pas sans impact sur l'environnement et les écosystèmes locaux :
- Perturbations des nappes phréatiques et aquifères
- Rejets d'eau chargée en minéraux (métaux lourds, radionucléides...)
- Émissions de gaz (CO2, sulfure d'hydrogène)
- Emprise foncière et impact paysager des installations
Une évaluation rigoureuse des effets potentiels est nécessaire en amont des projets, avec la mise en place de solutions pour traiter les effluents, limiter les rejets atmosphériques et s'assurer du renouvellement des ressources en eau.
Cadre réglementaire et acceptabilité sociale
Le développement de la géothermie doit s'accompagner d'un cadre réglementaire clair et d'une concertation avec les populations locales. Les risques et nuisances potentielles suscitent en effet des craintes qui peuvent freiner l'acceptabilité sociale des projets.
En France, le code minier encadre déjà l'exploitation géothermique avec un régime d'autorisations et de contrôles. Mais des guides de bonnes pratiques et des protocoles restent à définir, en s'appuyant sur le retour d'expérience des sites pilotes, pour garantir la sécurité et l'intégrité environnementale des installations.
La gestion de ces risques est cruciale pour construire la confiance du public et assurer un déploiement durable et responsable de la filière géothermique au service de la transition énergétique.
Innovations technologiques en géothermie
Progrès dans les pompes à chaleur géothermiques
Les pompes à chaleur géothermiques nouvelle génération offrent de meilleures performances, même avec des températures de source plus basses. Grâce à des compresseurs plus efficaces et des échangeurs thermiques optimisés, le coefficient de performance (COP) de ces systèmes continue de s'améliorer. Certains modèles atteignent maintenant un COP de 5 ou plus, ce qui signifie qu'ils fournissent 5 unités d'énergie thermique pour chaque unité d'énergie électrique consommée.
De plus, des fluides caloporteurs améliorés, comme le CO2, sont à l'étude pour remplacer les fluides frigorigènes traditionnels. Ils pourraient augmenter encore l'efficacité des pompes à chaleur géothermiques tout en réduisant leur impact environnemental.
Techniques de forage plus respectueuses de l'environnement
L'exploitation de la géothermie profonde nécessite le forage de puits pouvant atteindre plusieurs kilomètres de profondeur. Les nouvelles techniques de forage directionnel permettent de forer plusieurs puits à partir d'une même plateforme, réduisant ainsi l'emprise au sol des installations. Des fluides de forage plus écologiques sont également utilisés pour minimiser la pollution des nappes phréatiques lors des opérations.
En parallèle, le développement de nouveaux outils de mesure et d'imagerie permet une meilleure caractérisation des réservoirs géothermiques. Cela facilite le ciblage des zones les plus productives et limite les forages infructueux. Au final, l'impact environnemental des projets géothermiques est réduit.
Vers des systèmes géothermiques stimulés (EGS) plus sûrs
La technologie des systèmes géothermiques stimulés (Enhanced Geothermal Systems ou EGS) consiste à créer artificiellement un réservoir géothermique dans des roches chaudes et sèches en y injectant de l'eau sous pression. Si cette approche offre un fort potentiel, elle soulève des inquiétudes quant aux risques de sismicité induite.
Pour y répondre, les chercheurs travaillent sur des méthodes de stimulation plus douces, comme l'utilisation de fluides à base d'acide ou de saumure, en remplacement de l'eau pure. Un suivi microsismique en temps réel permet aussi d'adapter les injections pour maintenir la sismicité à un niveau acceptable. À terme, ces progrès devraient permettre un déploiement plus large et mieux accepté des EGS.
Grâce à ces avancées, la géothermie devient une option énergétique viable pour un nombre croissant de territoires. Couplées à des politiques incitatives, les innovations technologiques ouvrent la voie à un développement accéléré de cette énergie renouvelable à fort potentiel.
Perspectives futures de la géothermie
Expansion géographique et innovations technologiques
Historiquement concentrée dans les régions volcaniques, la géothermie devrait s'étendre à de nouvelles zones grâce aux progrès technologiques. Des techniques comme la géothermie stimulée (EGS) permettent d'exploiter la chaleur des roches profondes, même en l'absence d'aquifère naturel. Cela ouvre la voie au développement de projets dans des pays jusqu'ici peu propices à la géothermie traditionnelle.
Par ailleurs, les innovations comme les systèmes géothermiques à cycle binaire améliorent les rendements et réduisent les impacts environnementaux. Des forages moins invasifs et l'optimisation des échangeurs de chaleur contribuent aussi à une exploitation plus durable et rentable de la ressource.
Politiques de soutien et investissements
De nombreux pays mettent en place des politiques incitatives pour promouvoir les énergies vertes comme la géothermie. Aux États-Unis, le crédit d'impôt pour la production d'électricité renouvelable (PTC) a été étendu à la géothermie jusqu'en 2024. L'Union européenne finance aussi des projets de R&D et de déploiement via son programme Horizon Europe.
Ces aides publiques, combinées aux investissements privés croissants, devraient doper la filière. Selon l'Agence internationale de l'énergie, la capacité électrique installée pourrait passer de 16 GW aujourd'hui à 30 GW en 2030 :
Année | Capacité installée (GW) |
---|---|
2021 | 16 |
2030 | 30 |
Rôle clé dans la transition énergétique bas carbone
Comme source renouvelable pilotable, la géothermie peut fournir une électricité stable pour compléter le solaire et l'éolien intermittents. Elle contribue ainsi à la décarbonation du mix électrique, en ligne avec les objectifs de l'accord de Paris.
Au-delà du secteur électrique, la chaleur géothermique a un rôle majeur à jouer dans la réduction des émissions du bâtiment et de l'industrie. Le développement des réseaux de chaleur urbains, comme en région parisienne, prouve la pertinence de cette énergie pour le chauffage décarboné.
La géothermie apparaît donc comme un atout essentiel de la transition énergétique. Si les défis technologiques et économiques restent importants, les perspectives de croissance laissent entrevoir un bel avenir pour cette filière au cœur des enjeux climatiques du 21e siècle.
La géothermie : une énergie d'avenir à fort potentiel
La géothermie représente une alternative énergétique propre et durable avec de nombreux atouts. Malgré certains défis techniques et environnementaux, les avancées technologiques récentes et les perspectives de développement favorables en font une énergie d'avenir prometteuse. La France, avec des sites comme Bouillante et Soultz-sous-Forêts, démontre déjà le potentiel de cette ressource. Dans un contexte de transition énergétique, la géothermie a assurément un rôle clé à jouer.